Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naissance intime pour en tirer beaucoup de lumières. C’est une baleine qui vient se promener dans notre rade avec M. son fils et Mlle sa fille. Cela ne donne point du tout l’idée d’Elzéar et Delphine voyageant avec la jolie petite madame leur mère. Mais ce qui m’y attache c’est que les marins disent qu’on en tirerait cent tonneaux d’huile et que je n’en ai pas une goutte et qu’il m’en faut pour tous mes ouvrages de charpente et de menuiserie, et d’ailleurs que nos lampes sont à sec et nos bougies usées, parce que l’excessive chaleur les fond sans les allumer. Mais peu m’importe puisqu’avant deux mois peut-être je serai au coin de ton petit feu, te regardant et te baisant à la lueur de ta petite bougie.


Ce 6. — Mon enfant, voilà ton infâme compagnie du Sénégal qui a manqué son expédition de Galam ; c’est une perte énorme pour elle et dont l’Amérique se ressentira. La faute, à la lenteur, à l’indolence, à l’insolence et à la lésine de ton protégé M. Bonhomme. Mais pourvu qu’elle ne rejaillisse point sur moi peu m’importe ; et pourvu que je te voie, je serai content, et pourvu que tu m’aimes, je serai heureux.


Ce 7. — Je suis accablé d’affaires ; ce maudit courrier du Sénégal est venu troubler le repos dont j’espérais jouir avant mon départ. Il faut pourvoir à tout, même à la famine que ce retour imprévu d’un tiers de la colonie et la mauvaise disposition des peuples voisins doivent amener infailliblement. Je m’en tirerai encore et même à mon honneur. En attendant je t’embrasse et Dieu sait comment.