Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/163

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Ce 8. — Les vents et les flots s’opposent aux dispositions que j’avais faites sur-le-champ pour secourir l’île Saint-Louis. Les bâtiments ne peuvent ni charger ni décharger et voilà les envois que je devais faire retardés de plusieurs jours. C’est un mauvais présent du ciel à un pauvre diable comme moi, que tant de zèle et si peu de moyens. Je serai obligé de tourner ce zèle-là vers ton service ; alors il me semble, autant qu’on peut en juger de loin, que les moyens ne me manqueront pas.


Ce 9. — Eh ! bien, mon enfant, ce diable de vent ne diminue pas et mes diables de vaisseaux ne partent point et ces pauvres diables du Sénégal ne savent où donner de la tête. Ce qui me rassure, c’est qu’il y a là un excellent officier, qui trouvera quelque moyen de pourvoir à tout ; je me repose là-dessus et je me permets quelques petites distractions en faveur de ma bonne et jolie femme, dont je sens que je me rapproche à chaque moment.


Ce 10. — Comme je pourrais bien être la première occasion qui te donnera de mes nouvelles, je t’envoie tout notre petit recueil jusqu’à ce jour. Tu n’imagines pas le plaisir que j’ai à penser qu’il n’y a plus entre toi et moi que le vaisseau qui me portera. Il me semble en être au dernier chaînon des chaînes qui nous séparent et non point à beaucoup près de celles qui nous unissent et que je n’ai plus qu’un coup de lime à donner. Le sens-tu, toi, belle enfant ? Non, tu ne le sens pas ; tu es froide comme la statue de glace que saint Antoine avait faite avec tant de soin et tant d’art pour se tenir lieu de femme ; sans cela est-ce qu’un ange n’aurait point traversé les