Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/166

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plus forts ; un troisième, c’était le meilleur, est parti agonisant pour la France et le quatrième est à l’hôpital. Tu juges par là que mon jardin est en friche, mais j’irai cultiver le tien et je n’en mourrai pas.


Ce 14. — J’ai bien du mérite à m’ennuyer aussi peu ; il est vrai que cela tient à la quantité de choses que j’ai entreprises, à l’importance que j’y mets jusqu’au dernier moment et surtout à l’espérance de laisser bientôt tout cela entre les mains de mon ami Blanchot, qui s’en acquittera fort bien. Pour moi je n’aurai plus d’autre soin que celui de baiser ma femme et je m’en acquitterai encore mieux.


Ce 15. — Mon enfant, je n’y tiens plus, j’ai la tête cassée de trois audiences que je viens de donner successivement aux ambassadeurs de trois majestés plus noires l’une que l’autre. Je serais bien embarrassé de te rendre tout ce qui s’est fait et dit entre nous ; le résultat de tout cela est qu’on m’a beaucoup promis et qu’on ne tiendra rien, mais je me moque d’avance de tous leurs captifs : je n’en veux pas d’autres que toi. Adieu, ma fille, j’ai un secret pressentiment que nous aurons bientôt l’apparition d’un vaisseau. Ce ne sera pas encore un libérateur, mais ce sera un commissionnaire qui m’apportera de tes nouvelles. Adieu.


Ce 16. — Mon pressentiment ne m’a point trompé, le bâtiment a paru hier, mais fort loin ; les vents étaient contraires, la nuit très obscure et la côte dangereuse. Il a été obligé de s’éloigner beaucoup pour ne rien risquer, d’autant plus qu’il a fait du brouillard ce matin, ce qui l’a encore obligé à beau-