Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/169

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herborisant avec ces messieurs, j’ai trouvé un bel arbuste portant des coques pleines de graines qui m’ont tenté. J’en ai goûté et jamais je n’ai rien mangé de plus délicieux. J’ai ensuite monté à cheval, j’ai couru à une lieue et demie et je suis revenu le même train. Je me suis aperçu sur la fin de la course que mon aide de camp et mon nègre ne me suivaient pas, et j’ai vu qu’ils s’arrêtaient de temps en temps avec l’air très affairé : ils étaient occupés en effet à vomir comme s’ils avaient pris de l’émétique. Messieurs les Suédois que j’ai retrouvés en faisaient autant, et dès que nous avons été en pirogue pour revenir dans l’île, j’en ai fait autant. J’ai su depuis que la graine en question est le plus puissant des vomitifs, qu’il n’en faut que deux grains pour émouvoir l’homme le plus fort, et j’en avais mangé plus de vingt, et un Suédois en avait mangé plus de cent. Enfin tout va mieux qu’on ne devait l’espérer et j’espère que ton pauvre mari ne t’apportera pas un visage d’empoisonné. Adieu.


Ce 21. — Ma fille, je ne sais pas ce qu’est devenue la soixante-septième feuille ; je l’ai cherchée dans toute l’Afrique : il faut qu’un petit génie s’en soit emparé pour écrire dessus quelque talisman dont nous éprouverons quelque jour l’effet. En attendant, celui de mon vomitif est à peu près cessé ; presque tous mes compagnons de malheur se portent bien et tout le monde en sera quitte pour une bonne médecine et une bonne leçon. Encore si cela m’avait

    M. Arrenius, qu’il avait vu, à Gorée, en compagnie de M. Sparman. Boufflers lui-même rapporte le fait dans le Fragment d’une relation d’un voyage de plaisir dans la Poméranie suédoises (en 1794).