Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/174

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Ce 29. — Je viens encore de me faire opérer afin de ne point revenir estropié dans ma chère patrie et dans mon plus cher ménage. Il me semble que je souffre moins qu’hier ; il y avait un abcès caché sous l’ongle et sous des durillons encornés. Il a été ouvert et j’espère qu’il ne s’en reformera plus. Adieu, ma fille, je te baise comme quand les dévots malades baisent les petites bonnes vierges et qu’ils trouvent que cela leur fait du bien.


Ce 30. — Mon doigt va mieux, mais comme toutes les chairs mortes ont été coupées, celles qui restent sont d’une sensibilité ridicule et le moindre choc, la moindre pression me causent des douleurs inexprimables. Je le garantis avec autant de soin que tu garantirais un petit enfant du second lit à qui tu donnerais à téter.


Ce 31. — Ce mois-ci finit et la Cousine ne paraît point. Ce qu’il y a de plus piquant c’est que la peinture qu’on m’avait d’abord faite de la situation du Sénégal était exagérée et que si j’avais attendu seulement huit jours de nouveaux éclaircissements, je n’aurais fait aucune expédition ; mais il m’a semblé que le besoin ne pouvait point attendre et que la pitié ne devait point délibérer. Voilà comme ton pauvre mari sera toujours victime de son bon cœur.


Ce 1er novembre. — J’avais toujours espéré partir dans le mois dernier et le voilà passé et mon petit bâtiment n’est point arrivé. Je commence à m’inquiéter, à m’attrister, à perdre courage ; mon panaris revient, j’ai grand mal à la tête, je suis excédé d’ouvrage pour laisser des instructions pendant mon