Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/182

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monde ; mais il faut que tout finisse, j’ai assez dîné chez moi, il est temps que j’aille dîner chez toi.


Ce 14. — Mon premier domestique, ou pour mieux dire le seul qui mérite quelque confiance, a la dysenterie et pour comble de malheur il est traité par le chirurgien major qui n’a point été heureux, à beaucoup près, dans ses entreprises de cette année. Cela met beaucoup de désordre dans mes préparatifs et même dans mes finances ; pendant ce temps-là ma maison va toujours en augmentant ; je n’ai ni le temps ni l’envie de m’en mêler et tout devient ce qu’il peut. Mais cela ne durera pas huit jours et le 20 je m’embarquerais plutôt sans biscuit que de ne pas m’embarquer. Que n’es-tu ici pour te mêler de la maison de ton pauvre mari ! et l’empêcher de se ruiner ! Que de peines, que d’ennuis, que d’embarras, cette chère femme m’aurait épargnés ! Quel charme, quel baume elle aurait versé sur toutes les amertumes que j’ai éprouvées ! Mais ce qui ne s’est pas fait en Afrique se fera en Europe et pendant que peut-être tu consultes ton M. Detella, j’entends un petit prophète intérieur qui s’appelle pressentiment et qui dit que je serai heureux.


Ce 15. — On commence enfin à charger mon vaisseau, mais cela ne se fait pas aussi vite que je le voudrais parce que la maladie de ce pauvre homme est un fléau dans ce moment-ci. Je me trouve presque entièrement à la discrétion de mes nègres, qui sont maladroits pour tout, excepté pour me voler. Ton portrait n’est déjà plus sur mon bureau ; il m’attend à cette heure à mon bord et semble me presser de m’embarquer.