Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/183

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Ce 16. — C’est un train, un bruit, un pillage dont tu ne te fais pas d’idée. Je laisse à chacun ce qu’il lui faut, aux uns de la batterie, aux autres des couverts, à celui-ci du linge, à celui-là des chaises ; je distribue des tables, des armoires, des livres, du papier, des outils, des instruments, des crayons, etc. Tu imagines bien qu’en mettant tout cela entre les mains de ces messieurs, je le mets en même temps aux pieds du Crucifix et que j’en fais d’avance mon sacrifice et mon deuil. Tout ce que je demande c’est que la colonie me laisse partir et que la mer me laisse arriver. Pour toi que tu me revoies pauvre comme Irus ou riche comme Crésus, cela m’est et cela t’est bien égal.


Ce 17. — N’attends pas une longue lettre, chère femme, car je n’ai que de courts instants et je les passe dans de grands troubles. Il faut que je prépare à chacun sa besogne, que je limite toutes les autorités, que je prescrive toutes les formes, que je détaille les moindres parties, que je prévoie tous les cas. Ce dernier point-là surtout est très intéressant, car l’épée et la plume ont bien de la peine à se concilier ; mais quand j’y aurai mis tout ce que je sais, tout ira comme il voudra et j’espère avoir auprès de toi quelques distractions, qui amortiront l’intérêt trop vif que j’ai pris jusqu’à présent à tout ceci. Adieu.


Ce 18. — La confusion commence à s’éclaircir, mais en même temps le chagrin que je vois sur la plupart des visages me touche, et je fais toutes les dispositions et tous les sacrifices que je puis pour rendre mon absence plus supportable à ces pauvres