Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/192

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devons compter sur 24 lieues par jour en bonne route, ce qui nous tiendrait environ trois semaines. Mais cela changera en mieux ou en pire ; dans tous les cas, je dois être content d’abord d’être en chemin et puis d’y être sur un excellent bâtiment et avec un excellent capitaine, plus roi à mon bord que le roi à Versailles, et ne trouvant d’insubordonné que deux êtres qu’on n’a jamais pu soumettre : les vents et les flots. Si j’en étais le maître, mes ordres seraient prompts, mais leur esclavage ne durerait guère et je ne tarderais pas à abdiquer mon empire dès que j’aurais touché la terre que tu habites. Adieu.


Ce 7. — La Cousine va comme une petite folle et si ce train-là pouvait durer, je ne désespérerais pas de te revoir avant l’année prochaine. Mais le vent devient si fort qu’il finira par ne rien valoir, parce que la mer grossit beaucoup et que les lames forment déjà des montagnes et des vallées où notre marche est un peu retardée et le sera à chaque instant davantage ; mais, quoi qu’il arrive, profitons et jouissons d’une belle apparence, ne fût-ce que pour espérer, car sans l’espérance la pauvre vie humaine ne serait qu’un long supplice.


Ce 8. — Nous avons pensé périr cette nuit par une tempête affreuse, accompagnée d’éclairs et de tonnerre comme je n’en avais point encore entendu. Le plus fâcheux de tout, c’est que la lumière qui sert à voir la boussole et à gouverner en conséquence s’est éteinte ; la lanterne qu’on est allé chercher avec précipitation s’est éteinte aussi, la mèche qu’il est d’usage de tenir allumée dans un lieu sûr et sous la garde d’un canonnier, s’est éteinte à son