Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/197

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désire tant et tant que je crains d’espérer, parce que si j’étais trompé je tomberais dans un découragement dont rien ne me relèverait. Je me porte toujours assez bien et j’espère à mon arrivée être un témoignage vivant de la bonté du climat que je viens d’habiter. Puissé-je, chère femme, te trouver de même, car ma santé ne me suffit pas ; pour me bien porter il me faut encore la tienne. Adieu.


Ce 16. — J’ai un rhume de cerveau qui me rend moitié fou, moitié imbécile, moitié aveugle, moitié paralytique. Aussi n’attends pas une plus longue lettre, car si tu descendais du ciel dans ce moment-ci sur le pont, je ne sais pas si j’aurais l’esprit de te voir et la force de t’embrasser.


Ce 17. — Je me porte un peu mieux, mais point bien ; la mauvaise nourriture, le mauvais air, le mauvais temps, le long ennui, les premiers froids, tout cela agit sur ton pauvre diable de mari et ajoute encore au besoin qu’il sent de te revoir. Nous devons passer aujourd’hui la latitude du cap Finistère et dès ce soir nous nous trouverons au même climat qu’en Provence. C’est quelque chose d’avoir déjà quelque chose de commun avec les Français, en attendant quelque autre chose que j’espère qu’ils ne posséderont point en commun avec moi.


Ce 18. — Il fait des temps de chien ; il faut, de peur d’être mouillé sur le pont, respirer un air humide dans la chambre et, non seulement humide, mais infecté des exhalaisons de tant de gens et de tant de choses que je ne sais pas comment nous pourrions échapper au scorbut. Nous ne devrions plus en avoir que pour quatre ou cinq jours au plus, mais les