Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/52

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utiles que je compte ici faire dans l’ordre moral. Ce qui me console ici est précisément ce qui afflige bien des gens en pareil cas, c’est que je ne travaille point pour moi et que j’espère bien n’être point condamné à en jouir, car je ne veux ni ne peux jouir sans… Devine qui, devine quoi.


Ce 15. — Je retarde mon départ d’un ou deux jours pour continuer à mettre ici les choses en règle. Qui croirait, en lisant mon histoire, si par malheur elle était écrite fidèlement, que je suis chargé de mettre de la règle quelque part ? Je trouve que je ressemble au médecin Portail, qui porte chez ses malades un plus mauvais visage que le leur ; mais on le dit pourtant assez bon médecin, et moi, je t’assure que je ne suis pas mauvais administrateur, parce que je me connais si bien que je me défie de moi et, à force de me mettre mes défauts devant les yeux, je les fais sortir de mon esprit. Ceci est un petit apprentissage que je fais pour me former à conduire notre ménage futur ; ce sera là mon univers, et en attendant, je m’exerce sur une partie du monde.


Ce 16. — Ce pauvre Blanchot[1] vient de me confier le désir extrême qu’il a d’aller passer quelques heures en France. C’est une grâce qu’il m’est bien difficile de lui accorder et bien impossible de lui refuser. Il y sera au mois de juillet ; reçois-le comme un véritable ami de ton mari. Je doute que dans les hommes les plus admirés et les plus cités pour leur vertu, dans quelque temps et dans quelque

  1. C’était le second de Boufflers dans la colonie, et le gouverneur avait pour lui une vive sympathie.