Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/51

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diable de mari est toujours condamné à faire des actes de rigueur, qui ne sont pas plus dans son caractère que dans le tien. Il m’a fallu aujourd’hui renvoyer et faire embarquer un officier qui avait volé avec toutes les circonstances les plus aggravantes et les plus infamantes. Il y a de ces occasions-là et surtout dans ce pays-ci où l’on s’afflige d’être chef et où l’on rougit d’être homme. Encore si je te tenais pour te confier mes peines, pour avoir des consolations, des distractions, des dédommagements. Tout cela est remis à un an ; c’est un terme bien long pour des besoins si pressants.


Ce 13. — Je viens de faire dépendre ce charmant portrait pour le faire embarquer pour Gorée, et quand en rentrant dans ma chambre, j’ai trouvé la place vide, j’ai eu un serrement de cœur ; il me semblait que tu avais abandonné la colonie, comme Astrée avait fui du Latium, et je ne voyais plus personne qui désirât mon retour. Mais je t’irai bientôt retrouver à Gorée, et je crois même que j’y retournerai par mer si je le puis, afin de tenir compagnie à ton portrait.


Ce 14. — Sais-tu, ma fille, que je me suis découvert un petit talent que tu ne me connaissais point ? C’est l’architecture. J’ai changé la façade de mon gouvernement, j’ai rétabli les croisées à distances et à hauteur égales, j’ai simulé un socle au bas du mur, un cordon au premier étage, des encadrements aux fenêtres, une balustrade au toit, le tout sans m’éloigner de la simplicité plus que rustique que ce pays-ci commande ; et je suis parvenu à me donner une petite représentation physique des changements