Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/60

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Ce 6. — Notre navigation commence sous d’heureux auspices ; les vents sont bons, la mer est belle, le temps est frais, tout le monde paraît gai. Pour moi, c’est tout ce que je puis faire que de le paraître. Ma gaieté m’attend en Europe ; pourvu qu’il n’en soit pas comme de tout ce que j’avais laissé ici que je ne retrouve plus, entre autres mon vin, mes provisions, mon linge, mes meubles, etc., grâce à M. l’ingénieur. Le voilà par bonheur parti pour Cayenne ; il prétend t’avoir envoyé les plus belles choses du monde, mais toujours par des bâtiments naufragés. Je n’aurais jamais cru qu’autant d’esprit pût habiter avec autant de bassesse ; il semble qu’il devrait être de l’esprit comme de la lumière qui brûle et qui éclaire moins bien dans un air méphitique. Ma foi, vivent les bonnes gens comme ma femme et son mari !


Ce 7. — Nous entrons dans le plus beau fleuve de la côte occidentale de l’Afrique, dans la Gambie, dont les Anglais se sont approprié tout le cours, en gens d’esprit qu’ils sont, et où nous n’avons qu’un mauvais petit comptoir, comme par grâce ou pour mieux dire par subtilité. Je te garderai le peu de curiosités que je pourrai trouver, mais je prévois que cela se bornera à quelques oiseaux et à quelques coquillages. Les productions les plus rares se trouvent dans le haut de la rivière, où il ne serait pas décent que M. le Gouverneur montât, parce qu’il ne serait plus sur son terrain. Adieu, car j’ai plus d’affaires que je n’en ferai jamais.


Ce 8. — Nous avons été obligés de jeter l’ancre au milieu de cette belle rivière, parce que le vent