Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/64

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excepté ce que je ne puis trouver que rue et faubourg Saint-Honoré.


Ce 15. — Nous sommes bien partis hier, mais nous sommes arrêtés aujourd’hui, sans pouvoir même pousser jusqu’à la résidence d’un monarque imbécile avec lequel il faut que j’aie une entrevue. Je voudrais être quitte de tout cela pour aller visiter nos autres possessions, auxquelles je porte des troupes et des vivres, et revenir bien vite impatienter mes ouvriers à Gorée, car je parie que depuis que je suis parti rien de va. Je suis quelquefois tenté de dire comme le Dante : Si je vais, qui est-ce qui reste ; si je reste, qui est-ce qui va ? Nous ne dirons plus cela, quand une fois cet exil sera fini ; car nous irons et nous resterons ensemble, entends-tu, ma compagne ?


Ce 16. — Toujours à l’ancre, les vents toujours contraires, les fonds toujours dangereux ; le pire de tout, c’est que cette captivité-là peut durer un mois. Mais que faire ? On a beau pousser contre un mur d’airain, on ne fait que se meurtrir sans avancer ; il en est de même de l’impatience, et, qui pis est, de celle de te revoir.


Ce 17. — Je veux te faire une petite peinture de tout ce que nous éprouvons pour te donner quelque idée de la vie à laquelle je me dévoue. Je suis au milieu de la Gambie, contrarié par les vents qui m’empêchent d’en sortir. Nous avons de l’eau infecte, mon vin a tourné, il a fallu acheter un plat à barbe d’étain à un soldat pour rétamer des casseroles pleines de vert-de-gris, et, pour comble de joie, le feu était ce matin à la cuisine du vaisseau. Nous allons tâcher de remédier à cela au moins en partie