Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/69

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ordinairement de point de remarque pour te chercher au loin.


Ce 26. — Enfin, mon enfant, nous sommes sortis de cette maudite rivière, où je commençais à croire que je passerais l’année. Nous avons fait ce que nous pouvions faire il y a quinze jours et je serais à cette heure parti de Serre Lionne, entrant dans les îles du Cap Vert et prêt à retourner à Gorée. Mais ce qui est fait ne peut point n’être pas fait et je crois qu’il en est à peu près de même de ce qui est à faire, car tout cela est arrangé avant que nous nous en mêlions. Nous nous croyons des ouvriers et nous ne sommes que des outils : nos volontés, nos répugnances, nos indécisions, nos déterminations étaient entrées dans les premiers calculs comme nous calculons la trempe, le tranchant, la pesanteur, l’élasticité des instruments dont nous nous servons. Si cela est, puisse mon retour vers toi être sur le livre des destinées ; c’est le seul article que je veuille y lire, car pour une bonne ligne il y a tant de mauvaises pages que l’ignorance est à peu de choses près le premier des biens. Adieu. Je suis bien triste et j’ai bien peu de suite dans ce que je t’écris ; c’est que la tête me fend, mais c’est selon toute apparence l’effet de la grosse mer dont tout le monde ici s’est ressenti, à commencer par les officiers.


Ce 27. — C’est tout ce que je puis faire que de remplir mon vœu, ma chère enfant, car j’ai une migraine et un rhume de cerveau comme je n’en ai jamais eu. Ma tête est un volcan et mes yeux sont deux fontaines ; il faut encore espérer dans les bons offices du temps qui emporte ce qu’il a apporté et qui te rapportera tôt ou tard ce qu’il t’a emporté.