Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/77

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respecter l’autorité jusque dans ses abus. Un autre canot nous est encore arrivé avec des officiers de ce capitaine et les deux chefs du complot qu’il m’a prié de prendre sur la corvette ; je les ai pris et j’ai demandé de mettre à la voile le plus tôt possible. On n’a pu appareiller que vers deux heures du matin ; au moment où nous levions notre ancre, l’orage dont nous nous croyions quittes a fondu sur nous et nous a fait casser nos câbles. Nous avons été forcés de mouiller très vite une autre ancre, parce que le vent nous jetait comme une balle contre les rocs. Cette ancre, quoique beaucoup plus faible que l’autre et tenue par un câble beaucoup moindre, nous a bien servis et nous sommes à présent occupés à relever l’autre qui nous est nécessaire. En ce moment-ci même nous la tenons à bord et nous mettons à la voile avec un vent favorable et l’espérance d’être quittes dans deux ou trois heures de tous les risques et de tous les ennuis de Serre Lionne. Adieu, ma fille, je crains que ma relation marine ne soit fort ennuyeuse pour toi ; mais aussi pourquoi m’aimes-tu ? Voilà à quoi tu t’exposes. Adieu.


Ce 9. — Enfin, enfin nous sommes dehors, mais le vent n’a pas duré ; un calme de mort et une chaleur mortelle ont succédé à cet air frais sur lequel j’avais fondé mes espérances. Il paraît même que le vent doit s’élever dans la partie contraire. Je ne sais où je prends ma patience et mon courage ; c’est, je crois, dans l’idée qu’après tout cela et autre chose encore je te reverrai et que d’ici à cette époque-là, que les choses aillent bien ou mal, je ne t’en verrai pas davantage.


Ce 10. — Vent contraire entremêlé de calme.