Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/78

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Nous en sommes à regretter les tornados, parce qu’au moins le tourbillon venait du bon côté et qu’en pleine mer ils ne pourraient pas nous faire le moindre mal. Malgré tout le mauvais sang que je fais, la mauvaise nourriture que je mange, et le mauvais air que je respire, je me porte mieux que je n’ai fait depuis mon départ, quoique entouré de scorbutiques et de languissants ; mais j’espère que tout cela guérira en peu de temps à Gorée et que je n’y serai point malade parce que le ciel me réserve pour tes menus plaisirs.


Ce 11. — Encore du mauvais vent. On parle d’un mois pour être rendu à Gorée, mais je n’en veux rien croire ; je ne supporterais pas l’idée d’être séparé tout ce temps-là de ton portrait et de tes lettres, qui doivent m’attendre depuis quelques jours, d’après les rapports d’un navire bayonnais qui entrait dans la rivière quand j’en sortais et qui m’a donné des nouvelles du départ des bâtiments que j’attendais. Adieu ; je voudrais être un saint ou un sorcier pour changer les vents et surtout pour t’apparaître tous les jours.


Ce 12. — Dorénavant au lieu de dire triste comme la mort souviens-toi de dire triste comme la mer. Elle est effrayante dans sa fureur, impatientante dans ses caprices et surtout ennuyeuse dans ses moments d’égalité. C’est ce que nous éprouvons dans ce moment, car le bâtiment ne remue pas plus que s’il était à l’ancre ; en attendant, nous consommons nos provisions et nous sommes étouffés par la chaleur. La moitié d’entre nous est couverte de taches noires et de boutons et même de plaies qui annoncent le