Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/91

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fois que tu ouvriras la bouche, parce qu’en même temps, tu ouvres ton âme, et qu’en dépit des jaloux, on y voit que tu es encore plus bonne qu’aimable, et alors, ton esprit est le meilleur des avocats chargés de la meilleure des causes devant les juges les mieux disposés. Je suis fâché de ce retard, car autant qu’il m’en souvienne, les noces d’été sont beaucoup moins chères que celles d’hiver, et, d’après ma pleine connaissance de tes pauvres petites facultés, cet article n’est pas indifférent. D’ailleurs, s’il est bien vrai que la cire que tu pétrissais inutilement depuis si longtemps commence à s’amollir sous tes doigts et à prendre la forme que tu veux lui donner, ces deux mois-là seront deux trésors. Je ne veux plus revenir sur le compte du mauvais principe que tu as combattu victorieusement en ta qualité de bon principe. Je suis comme ce poète latin qui, après avoir longtemps cru que l’univers était régi par le hasard, voit enfin la punition d’un méchant et commence à croire aux dieux. Adieu, mon petit Orosmane, non pas l’amant de Zaïre, mais le vainqueur d’Arimane.


Ce 8. — Il faut que je te parle de mes travaux, car il faut que tu sois occupée de tout ce qui m’occupe. Je vais tout à l’heure avoir fini un corps de caserne tel qu’il n’y en a dans aucune de nos colonies. Il est vrai qu’il n’est que pour cent hommes, mais il n’en faut pas davantage à Gorée, et je doute qu’en Europe même des soldats puissent être mieux logés. On procède en même temps aux réparations de mon hôpital, qui, j’espère, ne sera jamais plein, d’après tous les soins presque paternels que je prends de la santé de mes pauvres enfants, car les voilà bien logés et bien couchés, ce qui ne leur était