Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/93

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Ce 10. — Je viens de faire une très longue promenade à cheval dans un terrain que je compte réunir un jour à notre domaine et j’ai vu des endroits charmants, des plaines, des bois, des vallons, des montagnes, des villages, etc. Mon aide de camp, celui dont je te parlais hier, ne se lassait pas d’admirer ce pays, dont il était à une demi-lieue depuis sept ans et qu’il ne connaissait point. Nous avons fait plus de six lieues, lui, mon nègre et moi, dans de petits chemins de sables battus, où malgré ta poltronnerie tu aurais voulu galoper. Je regardais toujours autour de moi, comme si tu y avais été, et je croyais entendre tes peurs, tes enfances, tes exclamations, tes ravissements, etc., enfin tout ce qui ne ressemble à personne et qui par conséquent te ressemble. Adieu, ma bonne et jolie enfant, embrasse tes enfants et tes amis de ma part.


Ce 11. — Sais-tu, mon cœur, que ton protégé M. Bonhomme, que tu aimes en ta qualité de bonne femme, est arrivé sur un vaisseau richement chargé de marchandises, mais sans un tonneau de provisions, dans le moment où nous allons en manquer et où je suis même obligé à faire des règlements pour restreindre la consommation, en attendant le retour de l’abondance qui ne me paraît point du tout prochaine. Ne t’offense point si je ne traite point cet homme-là aussi bien qu’il a droit de l’attendre d’après sa protectrice. Ton intention n’était sûrement pas qu’il me fît mourir de faim, toi qui m’as si généreusement nourri depuis près de dix ans. Mon Dieu, mon Dieu, quand dînerai-je chez toi ?


Ce 12. — Je suis occupé de mon départ comme