Page:Boufflers - Oeuvres - 1852.djvu/127

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rompus par les acclamations d’une multitude innombrable.

Au milieu de ce riant tumulte, les éléphants poursuivent gravement leur marche, conservant entre eux des distances toujours égales, comme les troupes les plus soigneusement exercées ; on distingue entre tous le superbe Orangas (l’éléphant royal), qui les surpasse en beauté, et marche gravement à leur tête, semblable à un père suivi de ses fils ; mille chevaux, plus blancs que la neige du mont Ararat, paraissaient fiers de l’entourer, et l’étendard royal flotte au-dessus de son pavillon de brocart d’or. C’était là que le sultan en personne était assis à côté de sa fille chérie, appelée à juste titre l’aridjata (ou l’Arbre du Paradis), et qui brillait entre les plus rares beautés de l’Iram et du Touram, comme une escarboucle entre des perles. Mais les regards ne faisaient que glisser sur toutes ces merveilles, et s’attachaient de préférence au roi des rois, qui, pour la première fois, daignait se montrer à cette innombrable multitude ; on aimait à se répéter les uns aux autres les exploits d’Akbar, ses bienfaits, ses travaux, ses dangers ; on lui rendait grâce de la paix du monde, et tous contemplaient avec un tendre respect cette contenance majestueuse où l’on voyait plutôt la sagesse que l’orgueil, et jusqu’aux rides prématurées de ce visage imposant, qui semblaient y tracer l’histoire d’une vie consumée en triomphes.

Arrêtons-nous un moment, et cherchons comment le mot de cette énigme, devinée si tard, a été si tôt répété au sultan. On peut se ressouvenir que Mohély, pendant le sommeil du derviche, a replié son voile pour lui en faire un coussin ; que le derviche, en s’éveillant, a reconnu son fils ; que l’émir, embarrassé peut-être de s’an-