Page:Boufflers - Oeuvres - 1852.djvu/135

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fleur qui essayerait de se séparer de la tige qui la porte et des feuilles qui l’accompagnent ? et, séparée une fois, que deviendrait-elle ? — Ma mère, je ne le comprends pas. — Essaye de te comprendre toi-même. — Mais, ma mère, cette fleur, à qui tu daignes comparer ta fille, doit perdre sa beauté en s’éloignant de sa tige, et, si j’en crois tes louanges, je conserve la mienne : une mère doit-elle se contredire ainsi dans ses discours ? — Ma fille, il existe d’autres yeux que ceux des mortels : ceux-là voient la vérité, tandis que les autres s’en tiennent à l’apparence. Ces traits ravissants, cette grâce, cette lumière de beauté qui te distingue entre toutes tes compagnes, tout cela n’était que des symboles. Tes beaux traits étaient destinés à représenter, et bien imparfaitement encore, ta belle âme dans sa paix, dans sa douceur, dans sa bienveillance native, et telle qu’elle est sortie du souffle de Brahma. Tant que ton âme a été tranquille et tendre, elle s’est montrée, elle s’est mirée dans ta beauté ; mais, lorsque cette paix a été troublée, le trouble a paru, malgré toi, jusque sur ton visage, comme on voit la rose des bosquets resserrer ses feuilles délicates au souffle du Dewatas. — Tu me vois donc bien affreuse, ma mère ? — Ma fille, ta mère ne te perd jamais de vue ; tantôt ses regards s’arrêtent au dehors, et je me réjouis ; tantôt je regarde au dedans, et je pleure ; toi-même tu crains, quand je te regarde, que je ne voie au delà de l’apparence ; tu ne veux pas que mon œil pénètre jusqu’à ta pensée ; et, pendant que je te parle, tu commandes à toute ta personne de me dissimuler ce qui se passe dans ton âme. — Et qu’aurais-je à te dissimuler, ma mère ? — Ton ennui, ton dépit, ton projet de ne plus t’exposer à de pareils entretiens, ton espoir d’inventer tous les jours des prétextes plausibles-pour excuser tes négligences et tes