Page:Boufflers - Oeuvres - 1852.djvu/136

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froideurs. — Et quand cela serait, ma mère, que t’importe ? Tu crois lire dans mon âme ; crois-tu que je ne lise pas dans la tienne ? Non, non, je sais trop bien qu’au moment de ma naissance une main invisible, celle de Brahma lui-même, a écrit sur mon front que je ne serais point aimée de celle qui me donnait le jour ; que toutes ses préférences attendaient cette Méva, cette sœur qui m’était destinée ; que celle là réunirait tous les dons, toutes les faveurs que le ciel peut prodiguer à une fille de la terre ; qu’elle serait élevée à tous les honneurs des Péris et des Néris ; tandis que moi, toujours désagréable aux yeux maternels, je vivrais humiliée, méconnue, accusée de l’indifférence, de la jalousie, de l’aversion qu’on sentirait pour moi. Tu voulais de la sincérité, ma mère, en voilà. Mais que vois-je ? ma mère ! ma mère ! éveille-toi !

En effet, en écoutant le discours de Pravir, le sang de la triste Monghir s’était arrêté soudain comme le torrent de la montagne au souffle du démon des frimas.— Ma mère, éveille-toi ! répétait à grands cris Pravir effrayée, et Monghir ne s’éveillait point. Idma, le dieu du sommeil consolateur, avait étendu sur tous les sens de Monghir ses ailes protectrices ; et, pendant que son corps pâle et froid paraissait privé de vie, le secourable Arjown avait porté l’âme de cette mère infortunée au pied de l’escarboucle flamboyante qui sert de trône au dispensateur de la lumière. Le dieu qui éclaire les choses hors de nous, et les images des choses au dedans de nous, le clairvoyant Indra, jette un regard propice sur Monghir : — Qui t’amène ici ? dit une voix (c’était celle d’Indra). Qui t’amène ici, âme pieuse et triste ? — Le chagrin, répond Monghir. — Et que viens-tu chercher ? — La consolation — Je ne la refuse point aux âmes pieuses, dit encore la