Page:Boufflers - Oeuvres - 1852.djvu/138

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première beauté pour la dérober aux regards de Wishnou, qui s’y complaisait, pour l’éloigner de tous ceux que Wishnou t’avait donnés pour faire avec toi le trajet de la mer du temps ?

— Vois-tu la fourberie à l’œil couvert, au regard louche, qui, sous un feint amour pour Wishnou, t’entraîne loin de lui et de ses voies ? Le vois-tu, ce serpent caché sous les fleurs du jardin des Félicités, qui les a toutes flétries pour toi en les infectant du poison de la jalousie ? Vois-tu les alarmes, les combats des bons génies qui le défendent malgré toi, et qui essayent encore de te disputer aux mauvais esprits à qui toi-même tu te livres ? — Ah ! je ne le vois que trop, dit Pravir en frissonnant ; et loi, ma mère, les vois-tu ? les entends-tu ? — Hélas ! oui, je les vois, je les entends, ma fille. — Ô ma mère ! délivre ta Pravir ! — Je ne puis rien sans toi. — Ma mère, suis-je donc condamnée à montrer aux yeux de mes compagnes cette figure si différente de la mienne et dont l’image m’obsède ? — Ma fille, il ne tiendra qu’à toi de revenir à ta première forme en revenant à ton vrai caractère ; ce qui t’arrive est une punition ou un bienfait de celui qui voit et qui fait voir : il adit que tes traits représenteraient tes affections, et que tu paraîtrais toujours ce que tu serais. Le voile est enlevé, ma fille ; ton visage, si cher à tous les yeux, a disparu ; on ne voit plus que ton âme. — Malheureuse que je suis ! et tu ne me plains pas, mère cruelle ! — Non, ma fille ; cette âme visible est livrée à son propre pouvoir. Que pouvait-elle désirer de mieux ? Indra lui permet de se rendre aussi belle qu’elle voudra ; il ne tient qu’à elle de se former et de se changer comme l’argile que l’ouvrier pétrit, et dont il fait à son gré un démon ou un dieu. — Ma mère, le nouveau. décret du puissant Indra s’étend-il sur d’autres