Page:Boufflers - Oeuvres - 1852.djvu/137

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voix ; ainsi, parle avec confiance. — Seigneur, ta bonté encourage ton esclave tremblante ; accorde-lui son humble prière, répands sur Pravir ce jour qui n’est pas fait pour des yeux mortels, et dont les rayons dardent jusqu’au fond de la pensée ; fais en sorte que les couleurs pures dont ta lumière se compose tracent pour elle un tableau qui lui montre ce qui se passe dans son âme, qui lui dévoile ses funestes illusions, qui démasque à sa vue les Daytas et les Azours, qui la séduisent comme les feux trompeurs qui entraînent les voyageurs égarés vers les marais, où ils s’enfoncent pour ne plus reparaître. Tu en as le pouvoir, flambeau vivant ; tu en sais les moyens : ton esclave soumise attend de toi son retour à la vie et à la félicité. Elle dit, et déjà son âme, ramenée par Arjown lui-même au corps demeuré sans chaleur et sans mouvement, commence à lui rendre le sentiment de l’air et la clarté des cieux. Son œil et son oreille ont retrouvé les objets et les sons : elle voit, elle entend sa chère Pravir ; Manasidja, l’invisible vainqueur des volontés, était auprès d’elle.

— Ma mère, ma mère, disait la tremblante Pravir d’un accent qui aurait attendri le diamant, ma mère, sauve ta fille du noir fantôme qui la poursuit et qui l’effraye ! — Je ne vois rien, dit la tendre Monghir. — Et toi, qui es-tu ? disait Pravir en s’adressant au fantôme qu’elle voyait toujours dans le lac Tamara.

— Je suis toi, répond le fantôme. — Non, tu n’es pas moi, car si ma mère, si ma sœur, si les miroirs des eaux ne m’ont point trompée, je suis belle, et l’amour est toujours entre moi et l’œil qui me fixe ; au lieu que ton air farouche appelle la haine. — C’est toi-même, imprudente, répond le fantôme, c’est toi qui m’as défiguré ; vois-tu ces Azours, ces Daytas qui se sont emparés de ma