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LA CASTE ET LA RÉVOLUTION BOUDDHIQUE

rapproche et les fait converger. On présente le bouddhisme comme anti-hindou parce qu’il fut égalitaire ? Peut-être serait-il possible de montrer qu’il n’a pas été égalitaire à proprement parler, précisément parce qu’il est resté hindou. Peut-être faudrait-il résister méthodiquement aux suggestions de l’analogie, et maintenir qu’entre les révolutions sociales qui ont renouvelé l’Occident et la « révolution bouddhique » il n’y a en fait aucune espèce de parenté.

Il semble au premier abord difficile de contester, sans paradoxe, que l’égalitarisme imprègne le bouddhisme. L’histoire de l’« Illuminé », les pratiques de sa Communauté, les doctrines de sa Loi, tout semble confirmer l’impression des premiers commentateurs européens.

On se souvient que lorsque le Bouddha a mis à nu les racines de la douleur universelle et trouvé, dans l’anéantissement du désir par la connaissance, la voie de la délivrance finale, Mâra le tentateur se présente une dernière fois devant lui. Grâce à la puissance du Malin, le Bouddha pourra entrer aussitôt dans la paix du Nirvâna, à une seule condition : qu’il abandonne le monde à sa vie misérable et perpétuellement renaissante. Mais la pitié qui veille au cœur du Bouddha est plus forte que sa soif de l’éternel repos. Il refuse d’abandonner les hommes avant de les avoir munis de son viatique, de ce viatique qui délivre du tourment de la vie. Il redescend vers la terre pour prêcher sa loi, « loi de grâce pour tous » et que tous sans exception, quelle que soit leur condition ici-bas, pourront mettre à profit – prosélytisme égalitaire aussi éloigné qu’on peut le demander de l’exclusivisme hautain du Brahmane.

Lorsque la communauté bouddhique s’organise, elle n’oublie pas la leçon de ce prosélytisme. À la vierge