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LES EFFETS

et faussé la réalité historique. Comme les castes sont infiniment plus nombreuses, elles sont infiniment plus mêlées qu’on n’était porté à le croire, lorsqu’on ne voyait l’Inde que par les yeux des Brahmanes. Les prohibitions qui remplissent leurs codes énoncent les prétentions des hautes castes à la pureté ; elles n’apportent « aucunement la preuve de cette pureté même. Il y a eu des mésalliances de toute Antiquité – la littérature sacrée elle-même en témoigne cent fois – et, malgré la rigueur sans doute croissante du protectionnisme endogamique, on en contracte encore sous nos yeux 319. Comment l’anthropométrie pourrait-elle démontrer, dès lors, qu’à la différence et à l’inégalité des castes correspondent une différence et une inégalité de races ? « Une concordance si parfaite, étant donnés les mélanges profonds et très accidentels de tant d’éléments, tiendrait véritablement du prodige » 320.

On exagérait donc la force de répulsion qui séparait les races primitives, lorsqu’on les croyait capables de sectionner pour l’éternité la société hindoue. Ici comme ailleurs, conquérants et conquis ont fini par s’embrasser. L’anthroposociologie cherche en vain sa terre idéale. Que l’esprit le plus contraire à l’esprit égalitaire règne sur toute une civilisation ; que les prohibitions les plus sacrées conspirent pour parquer les races ; que le souci de la pureté prime tous les autres, et cloisonne à son gré toute la société : c’est en vain. Tôt ou tard, les plus hautes barrières sont franchies, les éléments les plus divers se mêlent, et vous ne pouvez plus constater, entre les différences physiques et les différences sociales, de corrélations précises.

Mais si l’anthropométrie a exagéré la valeur de ses

I. Cf. Schlagintweit. Art. cit,, p. 56o-575. a. Senart. Oavr. ciL, p. aoo.