Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
147
LES RACES

Mais qui ne voit que, si l’on s’en tient à cette méthode, on ne fera guère qu’opposer des prédilections arbitraires ? – Le partisan de la spécialisation héréditaire mettra en relief tous les beaux côtés de la civilisation hindoue. N’a-t-elle pas, de tout temps, émerveillé et comme fasciné l’Occident ? Sa richesse a attiré tous les peuples, et tous les peuples se sont disputé les chefs-d’œuvre de ses tisserands et de ses orfèvres. Ses découvertes astronomiques et mathématiques ont longtemps alimenté notre science. L’exubérance de ses arts étonne notre imagination. Et nous retrouvons avec stupeur, dans sa philosophie tant de fois séculaire, ce que nos philosophes modernes ont pu rêver de plus profond ! – Défiez-vous, répondra l’adversaire du régime des castes, des pensées volontairement obscures, ou des formules simplement creuses. On a pu prouver que l’apport scientifique de l’Inde ancienne se réduisait, en somme, à peu de chose. L’exubérance de son imagination témoigne sans doute de l’impuissance de ses facultés organisatrices et unificatrices. Elle a pu constituer quelques industries de luxe, non l’industrie véritable qui fait vivre les peuples. Il lui a manqué la puissance intellectuelle qui les émancipe, comme la puissance matérielle qui les défend. En tout cas, s’il est vrai que son passé lointain nous étonne, il faut constater que depuis longtemps sa force créatrice semble épuisée. Dans l’époque moderne qu’a-t-elle produit d’original ? Sa civilisation piétine, ou plutôt recule. Y a-t-il là de quoi faire l’éloge de cette « sélection systématique » dont la caste est l’instrument ? – On pourrait échanger longtemps, sans résultat, des considérations de cet ordre ; elles impliquent des jugements d’ensemble sur le prix des civilisations ; elles ne se prêtent guère à des démonstrations précises.

D’ailleurs, fût-on arrivé à dresser le bilan exact de la civilisation hindoue, et à mesurer sa juste valeur, qu’aurait-on prouvé pour ou contre les thèses de l’anthroposo-