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LES EFFETS

ciologie ? Combien de causes, en effet, différentes des qualités congénitales des individus, n’ont pas poussé à la même roue ? N’a-t-on pas montré bien des fois comment les formes de la nature en Inde devaient modeler l’imagination et la volonté du peuple hindou ? Et si l’on croit que les formes sociales sont plus puissantes encore que les formes naturelles, et qu’en ce sens le régime des castes est bien « l’âme de la civilisation hindoue », rappelons-nous du moins que les effets moraux de ce régime sont singulièrement plus clairs que ses effets physiques. Pour comprendre l’orientation qu’il a dû imprimer à la civilisation de l’Inde, qu’avons-nous besoin de rechercher les traces obscures de ses opérations matérielles ? Les dispositions cérébrales que le père transmet au fils portent-elles vraiment l’empreinte et comme la marque de fabrique de la caste ? Ces hypothèses équivoques sont inutiles. Les modes opératoires proprement sociaux de la caste – le tour qu’elle donne à l’éducation, le cercle qu’elle trace à l’imitation, les crans d’arrêt qu’elle impose à l’ambition – suffisent à expliquer sa puissance.

On nous montre les Banyas 321, membres des castes commerçantes, très soucieux de l’avenir de leurs fils ; ils s’en font accompagner le plus souvent possible, leur apprennent avec soin les éléments du calcul, les mettent, dès qu’ils peuvent, au courant des affaires. Après cela, si un jeune Banya se montre bon commerçant, aurons-nous besoin de supposer quelque aptitude innée qui le prédestinait au commerce ? Tous les voyageurs ont noté l’adresse étonnante de l’artisan hindou. Dirons-nous que, de par le régime des castes, cette adresse lui est naturelle ? Vivant auprès de son père, familiarisé dès l’enfance avec les instruments du métier, il acquiert son art inconsciemment, par l’habitude, sans qu’il soit besoin de supposer qu’il le reçoive mystérieusement de l’hérédité. Le fils du Radjpoute grandit avec l’idée

I. Çrooke. Ouur. cit., I, p. 174.