la plus claire caractéristique de l'hindouisme – s'astreignent, à des degrés divers, à un végétarianisme dont les Brahmanes se font une loi stricte, par fidélité à la doctrine de l'ahimsa qui leur interdit de tuer le moindre vivant. Les croyances religieuses se trouvent ainsi réduire, plus ou moins étroitement pour toutes les castes, le cercle de la consommation. Et celles-ci respectent sur ce point les prohibitions traditionnelles avec une obstination que la famine même ne réussit pas toujours à faire céder. De ce point de vue, on peut soutenir que le régime des castes, par les scrupules qu'il entretient, contribue à diminuer encore les ressources de la population. « Le rejet de certaines nourritures et de certaines boissons limite encore, dit S. Maine 429, les moyens de subsistance d'un pays surpeuplé et contribue à ses famines périodiques. » Il faut remarquer d'ailleurs que les croyances hindoues, rendant désirable avant tout la venue d'une postérité qui s'acquitte envers les ancêtres du culte dont ils ont besoin, sont favorables à la pratique des mariages précoces. Et ainsi, « pendant qu'elles tendent à accroître le nombre des naissances, elles limitent l'approvisionnement des vivres qui sustentent l'existence. Nul ne saurait dire précisément quelle est la capacité du sol de l'Inde pour supporter une grande population, car les superstitions de l'immense majorité ne permettent ni d'élever ni de tuer des animaux pour la nourriture » 430. Si l'on ajoute que le même système de croyances est défavorable à l'émigration, par où le trop-plein de la population pourrait s'écouler, on pourra conclure, en effet, que ce système, travaillant à accroître la disproportion entre la quantité moyenne de subsistance et le taux de la population, est partiellement responsable de la gêne économique où vit l'Inde et dont les famines périodiques ne sont que les paroxysmes.
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