Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/231

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quelles causes sociales se rattache un phénomène qui lui-même entraîne une accélération du progrès industriel et commercial : le développement et le raffinement des besoins dans les diverses couches de la population. Pour l'expliquer, il ne suffit sans doute pas d'es­compter, comme le veut M. Durkheim 437, la pression exercée par la densité sociale elle-même sur les individus rassemblés. En les contraignant à une lutte plus ardente pour la vie, cette pression surexciterait les besoins de leurs organismes qui deviendraient ainsi, pour tous les ordres de raffinements, plus délicats et plus exigeants. À cette explication socio-physiologique, il n'est pas inutile d'ajouter une explication psychophysiologique. M. Gurewitsch 438 fait justement remarquer que l'on rend difficilement compte, par la seule lutte pour la vie, de tant de luxes qui passent au rang des besoins. Bien plutôt que la lutte pour la vie pure et simple, la lutte pour la puissance sociale en est responsable, avec le désir qu'elle stimule, chez les supérieurs, de marquer leur supériorité par toutes sortes de consommations ostentatoires. Ainsi prennent sans doute naissance la plupart des besoins qui distinguent les civilisés : si ces besoins s'universalisent, si les objets façonnés d'abord pour le compte des grands deviennent pour la masse aussi des objets de première nécessité, c'est que les inférieurs mettent leur amour-propre, à leur tour, à suivre l'exemple des supérieurs.

La première phase du processus ainsi décrit n'a pas manqué à la civilisa­tion hindoue. Si ses prêtres-nés ont dédaigné les pompes de la richesse, ses rajahs tiennent la place d'honneur dans l'histoire du luxe 439. Et la réputation de faste qui est restée à la société hindoue tient sans doute aux merveilles entas­sées, et orgueilleusement déployées