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Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/232

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aux jours de fête, dans les cours de ses princes. Mais si les besoins ont dû ainsi, à l’intérieur de ces cours, se multiplier et se raffiner, le cloisonnement de la société hindoue s’opposait à ce que le mouvement se généralisât et descendit de proche en proche. L’enrichi n’est pas libre, ici, de rivaliser avec le noble ; l’Inde ne veut pas connaître la figure du « parvenu ». Et sans doute, en dépit de tout, la richesse ici comme ailleurs confère aux individus une certaine force ascensionnelle ; mais plus vite qu’ailleurs cette force est arrêtée par la masse des traditions convergentes. Les perspectives sont bientôt coupées à l’ambition personnelle. L’espoir lui étant interdit de faire oublier des distinctions sociales, celle-ci ne perd-elle pas jusqu’à sa raison d’être ?

En d’autres termes la loi de « capillarité sociale[1] » ne saurait, dans cette atmosphère spéciale, fonctionner librement : il manque ce perpétuel effort de tous vers les dépenses « distinguées » qui, s’il use finalement et brûle en quelque sorte les races, excite du moins le plus d’individus possible à donner leur mesure, et intensifie du coup, en même temps qu’il la diversifie par des demandes plus nombreuses et plus variées, la production elle-même.

  1. C’est l’expression employéee par M. Dumont dans Dépopulation et Civilisation, 1890.