Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/267

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es, l'exaltation maladive des imaginations débridées.

De pareilles influences qui montent du sol ou descendent du ciel, ne sont certes pas négligeables. Mais il est trop clair aussi qu'elles n'expliquent pas tout ; et qu'à vouloir trop expliquer par elles on risque d'aboutir à des jeux d'analogies. Bornerons-nous notre ambition, demande M. Ouvré 501, à un raisonnement symboliste : « L'immensité du territoire indien se reflète dans la grandeur des poèmes hindous, le Râmâyana est long, parce que le Gange n'est point court, et apparemment les auditeurs du Mahâbhârata y tolèrent beau­coup de digressions et d'épisodes parce que dans la jungle pullulent les figuiers banians » ? Il est dangereux de demander, aux seules dispositions du milieu naturel où une civilisation se développe, le secret de son orientation intellectuelle et morale. En suivant jusqu'au bout sa théorie, Buckle n'aboutissait-il pas à cette conclusion que l'Inde, où l'individu est écrasé par la nature, ne devait pas connaître ces déifications que suppose l'évhémérisme ? Or sir A. Lyall a pu montrer que ces déifications sont la règle plutôt que l'exception, et que l'évhémérisme ne se vérifie nulle part aussi nettement qu'en Inde 502.

Si donc, dans la littérature hindoue, il nous semble qu'en effet l'individu tient peu de place, nous nous garderons d'en accuser la seule pression de la nature.

Mais l'action des formes sociales est sans doute plus enveloppante, à la fois plus contraignante et plus insinuante que celle des formes naturelles. Les rapports que le poète, tout « créateur » qu'il soit, soutient avec les autres hom­mes lui ouvrent ou lui ferment telles perspectives. Qu'il s'en doute ou non, son imagination est comme aimantée par les demandes du public 503. Son œuvre sert les