Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/268

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visées, flatte les passions, caresse les instincts qui résultent, chez ses contemporains, de leur situation même. Ici aussi, par leur succès inégal, une sorte de sélection des essais littéraires s'accomplit. Ainsi s'explique l'adapta­tion des genres au milieu social.


Sans étudier ces harmonies à part, les historiens des diverses littératures en ont souvent noté des exemples. Nous sera-t-il possible d'en relever dans l'histoire littéraire de l'Inde ?

On l'a souvent répété, et nous en avons, plus d'une fois déjà, rencontré les preuves : l'Inde offre un magnifique exemple de ce que devient une civilisa­tion quand elle demeure sous la coupe de la religion. La caste reste essentiel­lement une institution à racine religieuse, et tous les germes d'institutions laïques sont comme stérilisés par son ombre. Elle empêche la formation de ces centres de curiosité intellectuelle en même temps que d'activité politique qui devaient ailleurs organiser la résistance aux traditions primitives. Elle favorise de toutes les manières, par les divers scrupules qu'elle entretient, la mainmise du sacré sur le social.

De cet empire la littérature hindoue offrira une preuve éclatante. Il n'est pas exagéré de dire que la religion fournit leur soubassement à presque tous les monuments littéraires de l'Inde. « Non seulement l'Inde possède la litté­rature sacrée la plus vaste, l'une des plus anciennes et des plus intéressantes qu'il nous soit donné de pénétrer ; mais le terme même de « littérature pro­fane », tel que nous l'entendons, n'a point de sens pour elle et n'y trouve d'application que par voie de contraste » 504.

Non sans doute que toute la littérature ici se réduise à des hymnes mysti­ques ou à des commentaires théologiques,