Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/270

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meut dans le plan de la tradition religieuse. Les Çastras ne sont que des applications diverses de cette même tradition : ils en veulent déduire des lois pour la conduite de la vie. Aux époques mêmes où la litté­rature tendra à devenir plus terrestre, ses attaches religieuses resteront long­temps visibles. Jusque dans l'érotisme, la tradition théologique ne perd pas ses droits...

Rien de plus naturel que ces persistances en Inde : le soin de mener la vie intellectuelle, de savoir et de méditer n'y est-il pas réservé traditionnellement à ceux-là qui, par droit de naissance, sont en relations intimes avec le monde sacré ? Les penseurs professionnels sont ici des prêtres. Il n'est pas étonnant qu'un régime qui faisait en principe, des travaux de la pensée, l'office propre des castes brahmaniques ait produit avant tout une littérature de caractère sacerdotal.

Où ce caractère est sans doute le plus apparent, c'est dans les Brâhmanas. Comme leur nom l'indique, les Brâhmanas sont réservés à la Science sacrée. D'habitude il leur est annexé un Aranyaka : « Livre de la forêt », c'est-à-dire livre à méditer dans la solitude. Brâhmana et Aranyaka se rattachent à un Véda, qu'ils supposent connu et qu'ils se proposent d'expliquer. Le but déclaré de cette littérature de commentaires est de faire comprendre aux officiants le sens des pratiques et formules nécessaires à la célébration du culte. Le Brâhmana se présente donc comme un manuel de technique théologique. Et la plupart de ses spéculations tournent autour de cette même idée du sacrifice où nous avons vu l'un des piliers du prestige brahmanique.

Le sacrifice qui assure la puissance des Brahmanes sera lui-même doté par les Brâhmanas de la toute-puissance. À les en croire, il crée le monde. Il contraint les dieux. Il devient