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ESSENCE ET RÉALITÉ DU RÉGIME DES CASTES

constituée, elle supporte impatiemment d’être regardée comme une société inférieure. Elle impose à la cité des divisions nouvelles qui, venant chevaucher sur les divisions anciennes, forcent les citoyens à se mêler. Agglomérés ici par dèmes, et là classés suivant leur fortune ou d’après leur armement, ils ne peuvent rester groupés par clans. Progressivement et comme méthodiquement, l’isonomie, l’iségorie, l’isotimie sont conquises. Les réformateurs passent et repassent, pour les effacer, sur les sillons tracés par les divisions primitives.

Ainsi, dès l’antiquité, la civilisation occidentale répugne au régime que nous avons défini.


Combien, d’ailleurs, il est difficile de le rencontrer parfait et comme à l’état pur, nous le prouverons, mieux que par une revue générale des civilisations, si nous examinons un « cas privilégié ». – On prend souvent la civilisation égyptienne pour le type d’une civilisation soumise au régime des castes ; essayons donc d’y retrouver la spécialisation héréditaire, la hiérarchie stricte, l’opposition tranchée des groupes.

Si l’on s’en fie au témoignage de l’antiquité, le doute semble impossible. Les Égyptiens, nous dit Hérodote[1], sont divisés en sept γένη : prêtres, guerriers, bouviers, porchers, marchands, interprètes et pilotes. Seuls les prêtres et les guerriers jouissent de marques de distinction ; des terres spéciales leur sont réservées ; ils sont exempts de toutes charges[2]. Mais, comme le reste de la population, ils sont rivés à la profession de leurs ancêtres. Si quelqu’un des prêtres meurt, il est remplacé par son fils[3]. Les guerriers n’ont le droit de pratiquer aucun autre

    n’est déjà plus absolue, et les plébéiens commencent la conquête de l’égalité des droits.

  1. II, 164.
  2. Ibid., 168.
  3. Ibid., 37.