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LES RACINES DU RÉGIME DES CASTES

taines circonstances solennelles[1] : les repas funèbres, le perideipnon des Grecs, le silicernium des Romains garderont le sens sacré du repas de famille[2].

De même, on reconnaîtra, dans leurs lois touchant le mariage, le souci religieux qui pénètre l’antique organisation familiale. « Ce n’est pas seulement par orgueil nobiliaire, c’est au nom du droit sacré que les gentes patriciennes, de race pure, restées fidèles à l’intégrité de la religion antique, repoussaient l’alliance des plébéiens impurs, mêlés d’origine, destitués de rites de famille[3] ».

Or, ces prohibitions qui tendaient, jusque dans la cité antique, à empêcher les « étrangers » de se mêler ou même de manger ensemble, ne sont-elles pas celles-là mêmes qui dressent, entre les castes de l’Inde, de si hautes barrières ? Ici ce système de prescriptions est allé se renforçant et comme s’aggravant, tandis que là il allait s’effaçant au contraire ; mais ici et là on retrouve le même système, organisé par le même esprit. En Inde, les racines restent cachées, les feuilles sont touffues ; chez les peuples de l’Antiquité classique, presque toutes les feuilles sont tombées, les racines seules sont saillantes : mais c’est toujours le même arbre, et c’est l’arbre aryen. En Inde, la communauté de nourriture, d’après M. Ibbetson, est encore employée comme le signe extérieur, la manifestation solennelle de la communauté du sang. Et c’est sur l’idée que les époux forment le couple sacrificateur attaché à l’autel familial du foyer que repose, en dernière analyse, l’endogamie de la caste hindoue[4].

Il est donc possible de reconnaître, sur l’organisation

  1. Par exemple à la fête des Apaturies. Cf. Curtius, Histoire Grecque, III, p. 494.
  2. Senart, p. 213. Cf. Leist, Altarisches Jus Civile, p. 200 sqq.
  3. Senart, p. 210.
  4. Report on the Census of the Punjab, 1881. M. Risley reproduit une partie de ce rapport, difficile à trouver, dans les Ethnographie Appendices du Census of India de 1901 (vol. I, Calcutta, 1903).