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le raffinement de la vie[1]. Milne-Edwards ajoute : « La division du travail portée à la limite extrême rend, il est vrai, bien étroite et bien décolorée la sphère d’activité où s’agitent la plupart des travailleurs, mais chaque ouvrier, appelé à répéter sans cesse les mêmes mouvements ou à méditer un même ordre de faits devient par cela seul plus habile à remplir sa tâche ; et par la coordination judicieuse des efforts de tous, la valeur de l’ensemble des produits s’accroît avec une rapidité dont l’imagination s’étonne. » Ainsi, fût-ce au prix d’une gêne pour les individus, la prospérité du tout ne s’obtient que par le progrès de la division du travail.

Il en est des organismes comme des sociétés. Chez les uns « la puissance vitale ne s’exerce que dans une sphère étroite et elle s’éteint promptement » ; les actes varient peu et sont d’une simplicité extrême ; c’est que le travail y est peu divisé. Les organismes en question ressemblent à ces ateliers mal dirigés où les ouvriers font un peu de tout. Chez d’autres, au contraire, « la vie se complique et se prolonge ; les facultés grandissent et le jeu de l’organisme s’effectue avec non moins de précision que de puissance » ; c’est que les fonctions nécessaires à l’entretien de l’ensemble se sont multipliées et spécialisées.

Comparons en effet, aux animaux, supérieurs, ces animaux élémentaires qui tiennent encore du végétal, et nous verrons saillir le lien étroit qui unit à la supériorité organique la spécialisation des fonctions. Chez les polypes de Trembley, on voit une même cellule s’acquitter des diverses fonctions nécessaires à la conservation de l’individu et de l’espèce ; elle se meut, elle digère, elle engendre. Dans les Hydractinies déjà on distinguera les Gonozoïdes des Gastrozoïdes et de ceux-là les Dactylozoïdes. On peut donc se figurer, dit M. Perrier[2], une colonie d’Hydractinies comme une

  1. Leçons, I, p. 15-23 ; XIV, p. 279. Cf. Introduction, chap. III.
  2. Les colonies animales, p. 713.