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PRÉFACE

vie. Imaginons qu’au lieu de connaître uniquement, et vaguement, telle ou telle famille, telle église, tel marché, tel gouvernement, nous possédions des renseignements, précis et contrôlés, sur les différents types de souveraineté, sur les différents systèmes de production et d’échange, sur les différentes catégories de dogmes et de rites, sur les différentes espèces d’organisation familiale, sur les diverses formes enfin de la vie domestique ou politique, économique ou religieuse. Nous aurions ainsi substitué, à une expérience forcément circonscrite et fragmentaire, une expérience méthodiquement élargie ; à un choix spontané, et par suite arbitraire, un choix raisonné ; à des « prénotions » subjectives, des notions aussi objectives que possible. C’est à préparer cette substitution que travaillent, chacune dans la galerie où elle s’enfonce, les diverses sciences sociales.

Imaginons qu’on ouvre une sorte de magasin d’idées : au fur et à mesure qu’ils seraient élaborés, les résultats les plus généraux des recherches spéciales, — économie politique ou science des religions, morphologie sociale ou éthologie collective, — y seraient concentrés, rangés, étagés ; et le sens commun y pourrait déjà acquérir une utile provision de notions scientifiques.

Ces notions d’ailleurs ne sauraient rester longtemps juxtaposées. Les rapprocher, c’est les inciter à se coordonner. Les idées ne demeurant pas inertes à côté les unes des autres comme les articles d’un magasin. Sitôt mises en présence, elles s’ajustent ou s’opposent ; à l’étincelle de leur contact, on aperçoit entre elles des rapports inattendus. Illuminations précieuses — l’histoire de l’économie politique, de la science du droit ou des religions en fournirait vingt preuves — pour le pro-