fiques, accélératrices du progrès universel et indéfini, cela tient à l’idée qu’il s’est faite de ce qui définit le sens et constitue le prix de la civilisation, idée elle-même apparentée à ses vues sur le rythme essentiel de la nature. Il ne serait pas malaisé de saisir aujourd’hui, chez nombre d’historiens qui se croient beaucoup plus délivrés de toute philosophie, l’action persistante, plus ou moins bien cachée, de vues analogues. On prouverait ainsi par le fait que la construction historique ne cesse, consciemment ou inconsciemment, d’emprunter les matériaux taillés par la spéculation.
Mais en dehors et comme au-dessous de ces spéculations très générales, dont Cournot vient de nous donner un exemple, n’est-il pas permis d’espérer que l’étude des sociétés se pliera à des inductions plus limitées et plus précises, telles enfin qu’on puisse constituer, en les coordonnant, des systèmes particuliers de notions vérifiables qui mériteraient le nom de sciences sociales ?
Il semble que les théories de Cournot se prêtent à cette espérance. Et en effet il ne se contente pas de tracer la courbe imposante selon laquelle les sociétés humaines passent de l’état de nature à l’état de raison. Il remarque qu’aux deux extrémités de la courbe, dans l’état premier et dans l’état dernier, les sociétés se dérobent moins aisément aux prises de la science : les principes d’irrégularité, de désordre, d’innovation qui gênent ses démarches n’ont pas encore gagné, ou ont peu à peu perdu leur puissance ; l’influence des circonstances fortuites et des initiatives inattendues est contenue, ici par l’automatisme des instincts, et là par la conscience des intérêts.