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L’HISTOIRE ET LA SCIENCE SOCIALE

ment toutes les évolutions particulières ; il présente même cette évolution de la civilisation comme un cas particulier de la loi qui régit révolution du monde ; il reconnaît, dans le devenir historique, le plan de la nature. Qu’est-ce à dire sinon que, malgré ses défiances plus d’une fois formulées, il échafaude à son tour un système de philosophie de l’histoire ? Système moins étroit peut-être, plus compréhensif que ceux auxquels la philosophie de l’histoire nous a habitués. S’il commence comme celui de Spencer, il finit comme celui de Comte. Il utilise les analogies fournies par les sciences physiques après avoir utilisé celles fournies par les sciences biologiques. S’élevant de la notion de cycle à la notion de progrès, il revêt à nos yeux les aspects changeants d’une sirène : naturaliste par le corps, il est rationaliste par la tête ; ce n’en est pas moins un système, dépendant de partis philosophiques une fois pris, et dominant de singulièrement haut la variété des faits historiques.

À vrai dire, la critique peut-elle se passer de système ? L’étiologie historique est-elle capable de se constituer sans une philosophie de l’histoire ? Du moment où l’on accorde qu’il faut retrouver la hiérarchie des événements particuliers et que, loin qu’il suffise de les relater selon leur ordre de succession, il importe de les classer selon leur ordre d’importance, on reconnaîtra bientôt que, pour mesurer cette importance, une « table des valeurs » est nécessaire, qui impliquera quelque théorie générale. En fait, lorsque Cournot cherche à dégager l’enchaînement des idées et des événements dans les temps modernes, il est permis de penser que s’il fait passer au premier plan l’ordre des découvertes scienti-