possible de découvrir, entre ces deux phénomènes, un rapport de causalité ?
Il suffira pour cela d’utiliser une indication de la biologie. Darwin l’a noté : la concurrence entre les organismes est d’autant plus intense qu’ils sont plus rapprochés par l’espace et plus analogues par le type. Où dix membres d’une même espèce ne peuvent coexister, cent membres d’espèces différentes se développent aisément côte à côte. La concurrence intensifiée pousse donc naturellement à la divergence des caractères ; les individus qui sauront se différencier les premiers auront le plus de chances de survivre. C’est cette loi qui s’applique à l’humanité condensée. Pressés les uns contre les autres, les individus sont obligés de lutter plus ardemment pour la vie. Par suite, ils sont naturellement portés à demander leur salut à la spécialisation. Ils chercheront instinctivement une place qui ne soit pas remplie, un emploi qui ne soit pas tenu. Ils se gênent d’autant moins qu’ils exploitent des filons plus divergents, que diffèrent davantage les besoins auxquels ils satisfont ou les procédés dont ils usent. Le chapelier ne prend pas sa clientèle au cordonnier, ni l’oculiste à l’aliéniste. De même le prêtre et le guerrier, l’industriel et le savant, ne visent pas les mêmes buts, ne chassent pas sur les mêmes terres. Ce n’est donc pas seulement dans l’ordre économique, c’est dans tous les ordres de production que les hommes ont intérêt à se spécialiser, s’ils veulent coexister en paix. La densité sociale, en intensifiant leur concurrence, les force à chercher inlassablement les voies non foulées ; sa pression les lance en quelque sorte dans toutes les directions. Il faut bien, comme disait Auguste Comte, qu’ils tentent « de nou-