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QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

avec ses forces propres, besoins ou goûts, sentiments ou idées.

L’action des besoins qu’on appelle matériels — ce qui ne les empêche pas d’ailleurs d’être des forces psychologiques — est sans doute la plus frappante de toutes. L’effort des hommes pour produire les richesses exerce mille pressions sur la constitution des sociétés. La densité sociale dépend étroitement des modes de la production économique ; telle forme de la propriété collective tend à l’augmenter, tandis que telle forme de la propriété privée tend à la diminuer. De même, un régime tout agraire, par opposition à un régime industriel, ne tend-il pas à limiter l’extension de la communauté ? D’autre part, le développement d’un régime industriel, en réclamant une spécialisation à l’infini, n’augmente-t-il pas l’hétérogénéité des unités sociales ? Ou encore l’extension du commerce ne pousse-t-elle pas, comme aux Pays-Bas, les individus les plus hétérogènes à s’unir, malgré les différences de races et de langues, en une société organisée ? Et enfin, d’une façon générale, le régime aristocratique n’est-il pas lié au régime de la richesse foncière, tandis que le développement du régime démocratique semble correspondre au développement de la richesse mobilière ? — La philosophie de l’histoire dite matérialiste a comme vulgarisé ces harmonies et prouvé, par cent exemples, que l’économie exerce sur les formes sociales des actions autrement déterminantes que celles de la race ou du sol.

Où cette philosophie se fait sans doute illusion, c’est lorsqu’elle croit avoir trouvé, dans cette détermination, la clef unique de tout le devenir social. Droit, morale, religion, art ne seraient alors que des « superstructures »