Le sol, à sa façon, leur fera porter sa marque. Il est bien certain que la configuration et jusqu’à la situation climatérique d’un pays exercent une action sur la multiplicité et l’organisation des relations sociales. Le désert invite les hommes à vivre en tribus errantes plutôt qu’en nations centralisées. Un pays de montagnes maintient d’ordinaire les groupes sociaux séparés, par là même fermés et homogènes. Ce n’est pas sans raison qu’on a attribué aux montagnes une influence « conservatrice ». Les côtes, sur lesquelles les éléments les plus hétérogènes, apportés par les vagues, peuvent entrer en contact, font les sociétés plus mobiles en quelque sorte, et moins traditionnelles. La différence des pays, mieux que la différence des races, rend compte de la différence des sociétés athénienne et Spartiate.
Et, sans nul doute, sur des sols différents, des formes sociales analogues peuvent fleurir, ou des formes sociales différentes sur des sols analogues. Les Turcs, observait déjà Hegel, vivent où vivaient les Grecs. Les mêmes bords ont pu voir tour à tour des sociétés grandes ou petites, inorganiques ou organisées, démocratiques ou aristocratiques. — Est-ce à dire que les formes terrestres sont incapables de modifier les formes sociales ? Non, mais qu’elles ne sont pas les seules à les modifier.
Ce serait, en effet, un effort paradoxal que de chercher dans les phénomènes physiques, sous le prétexte qu’ils sont seuls aisément observables et comme palpables, les causes uniques de ces modifications. Outre que la nature n’agit le plus souvent sur la société qu’à travers l’esprit, l’esprit agit sur la société de lui-même,