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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

nière générale, que les êtres associés réagissent les uns sur les autres : ajoutons que la façon dont ils réagissent est spécifiée et déterminée par la façon dont ils sont associés. D’un mot, qu’ils s’en aperçoivent ou non, les individus reçoivent comme la marque de fabrique des différentes formes sociales.

Sans doute ces influences passent le plus souvent inaperçues. Et cependant il serait facile de prouver que déjà nous avons tous, plus ou moins vague, une notion de leur puissance.

Vous connaissez un enfant peu appliqué, peu sociable, inerte, timide, renfermé. « Il faudrait l’envoyer au lycée », conseillez-vous à ses parents. Parler ainsi, n’est-ce pas prévoir des phénomènes proprement sociologiques ? Et en effet, lorsque vous avez prédit que les manières et l’esprit de l’enfant se transformeraient fatalement au lycée, vous avez escompté, non l’influence personnelle de tel maître ou de tel élève que vous ne connaissez pas, mais l’influence générale du groupement même, de l’ordre suivant lequel, dans nos lycées, maîtres et élèves sont organisés. La vie en commun, avec des camarades d’origines et de facultés diverses, assujettis aux mêmes tâches et aux mêmes concours, sous la même discipline, voilà, avez-vous pensé, l’éducatrice plus active que tous les précepteurs. Spontanément vous rendiez donc à la société ce qui appartient à la société. Vous pesiez rapidement, à la balance de jugements familiers, l’efficacité propre à ce complexus de formes sociales qu’on appelle un lycée.

Voulons-nous une preuve nouvelle que les jugements de cette sorte sont comme en suspension dans les idées communes ? Feuilletons au hasard quelques romans.