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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

pas déjà : « Senatores boni viri, senatus autem mala bestia » ? C’est-à-dire à peu près : « Les sénateurs, chacun pris à part, sont de braves gens ; mais le sénat, en corps, n’est qu’une méchante bête. » N’était-ce pas signifier que par leur réunion seule l’état d’esprit des hommes est modifié, et que si certaines de leurs facultés en sont parfois exaltées, d’autres aussi s’en trouvent souvent éteintes et comme neutralisées ? — Et ce n’est pas seulement l’action instantanée du rassemblement que le peuple a su noter, c’est l’action plus durable des situations sociales. On tirerait, de nos proverbes du moyen âge, toute une psychologie des professions. Ils nous indiqueraient encore comment varient, suivant les formes de l’autorité, les qualités du maître, ou les libertés du sujet : « Il n’est pire tyran que les tyranneaux. — Il ne fait pas bon servir deux maîtres. — Honneurs changent les mœurs. — Vilain enrichi ne connaît parent ni ami. — Tel seigneur, tel page et serviteur. » — Les adages de ce genre n’expriment-ils pas autant d’efforts de la conscience populaire pour définir ceux des phénomènes sociaux qui la touchent du plus près ?

Et sans doute, d’une manière générale, elle est moins frappée des faits sociaux que des faits physiques, matériels et palpables. Les vertus des herbes, les influences des astres, les commandements des saisons tiendront plus de place dans ses almanachs que la nature, les propriétés et les conséquences des différentes espèces d’associations. Les formes sociales ne crèvent pas les yeux. Elles ne s’en imposent pas moins, par leur action ininterrompue, à l’attention commune. Un regard jeté en passant sur les aphorismes de la sagesse des nations, sur les formules de nos littérateurs, sur les maximes