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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

froidissant, se contracte sous elle. En vertu de cette contraction, il arrive que sur certains points cette surface porte à faux ; en vertu de la pression, elle se brise sur ces mêmes points : d’où les failles. — Un tissu soumis à l’action du chlore est décoloré : pourquoi ? Je sais d’une part que les matières colorantes sont ordinairement composées de bases ; et d’autre part que le chlore montre pour les bases une grande affinité : d’où la décoloration. Dans l’un et l’autre cas, pour m’expliquer le fait particulier, j’ai remonté aux lois générales suivant lesquelles il a dû se produire : ici les lois de la combinaison des acides avec les bases, là, les lois de la chaleur et de la pesanteur. Ainsi procèdent toutes les sciences de la nature ; elles ne tiennent un fait pour expliqué que lorsqu’elles l’ont réduit aux lois qu’elles ont une fois obtenues par l’assimilation des cas, l’abstraction des caractères et la généralisation des rapports. Expliquer, c’est relier le particulier au général ; c’est déduire le fait de la loi.

Est-ce ainsi que procédera l’histoire ? Assimilation, abstraction, généralisation, choses suspectes aux historiens de nos jours ! Ils en ont tant vu, dans ce siècle, de majestueuses constructions qui s’élevaient au commandement d’un système, pour s’effondrer au contact d’un fait ! Ils en gardent une défiance instinctive à l’égard de tout ce qui pourrait rappeler la philosophie de l’histoire. Quand ils veulent s’insulter gravement, ils s’appellent idéologues. Ils renvoient aux « philosophes » les abstractions, toujours artificielles, les assimilations, toujours superficielles. « Le grand précepte qu’il faut donner aux historiens, disait déjà Augustin Thierry, c’est de distinguer au lieu de confondre. » On croyait