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LA SOCIOLOGIE POPULAIRE ET L’HISTOIRE

que les sciences avaient pour objet de relever les similitudes ? « Les différences », voilà, suivant M. Seignobos, l’objet propre de l’histoire. Vous répétez qu’il n’y a pas de science sans généralisation ? « La généralisation est pour l’historien la plus active de toutes les causes d’erreur. » Les vraies raisons d’un fait, cherchons-les dans les circonstances spéciales qui lui ont donné naissance. Analysons-en avec minutie les « particularités curieuses ». « Soyons complets », dira M. Chuquet, et nous verrons disparaître le merveilleux historique : c’est par l’examen du détail, non par l’énoncé de quelque formule abstraite que les succès les plus surprenants vous seront expliqués. Ainsi, de la constatation à l’explication, pas de saut brusque : une constatation vague pose un problème, une constatation précise apporte naturellement la solution. La clef d’un fait historique, c’est un autre fait historique. En un mot, si nous confrontons les raisons de l’historien avec les raisons du physicien, du chimiste, du géologue, il semble que nous nous trouvions en présence de deux types d’explications irréductibles : une explication par le général, abstraite, rattachant le fait à une loi — une explication par le particulier, concrète, rattachant le fait à un autre fait. Où est l’explication véritable ?

Mais, d’abord, cette opposition est-elle bien fondée ? Considérons de plus près les démarches des sciences de la nature, et nous constaterons que, pour expliquer le réel, elles ne le déduisent nullement de lois générales une fois posées. Chacune d’elles accepte des « données », grâce auxquelles elle constate, non pas seulement L’existence de la série de phénomènes dont elle veut étudier les lois, mais leur quantité, leur situation dans l’es-