Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
LA SOCIOLOGIE POPULAIRE ET L’HISTOIRE

vait choquer le crâne ; ce sont les lois de la physiologie qui seules expliquent la rapidité avec laquelle un pareil choc sur le crâne devait entraîner mort d’homme. Il en est de même de tous les accidents qui déterminent, nous dit-on, l’évolution des astres et celle des sociétés humaines. Ou bien la relation de ces accidents est une pure narration, qui nous apprend que tel fait a précédé tel autre, mais sans nous expliquer celui-ci par celui-là. Ou bien cette relation cache une explication véritable ; c’est qu’alors elle nous fait savoir, ou nous laisse deviner comment, c’est-à-dire, suivant quelles lois générales, le premier fait a engendré le second. La chute d’une pierre n’explique une avalanche, le contact d’une étincelle n’explique une explosion que pour qui connaît les lois de la pesanteur ou celles des combinaisons chimiques. La connaissance des faits ne supplée pas à la connaissance des lois. En d’autres termes, entre les deux types d’explications opposés, l’historique ou le scientifique, nous n’avions pas à choisir. Toute explication du réel comporte une part, d’ailleurs variable, d’histoire, et une part de science. Qu’il s’agisse de phénomènes chimiques, géologiques, ou sociaux, il faut pour qu’ils soient compris, et non pas seulement constatés, que soient énoncées d’une part, les circonstances particulières, et d’autre part, les lois générales de leur production : c’est du choc du fait avec la loi que jaillit la lumière.

L’histoire proprement dite, pour avoir à enregistrer des données plus nombreuses et plus complexes que toutes les autres sciences, n’en est pas moins soumise aux mêmes conditions logiques. Elle aussi, pour relier les faits qu’elle constate, a besoin de supposer des lois.