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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

exprime ainsi, en un style imagé, les idées-mères de toute explication qui cherche, dans la terre même, une des raisons qui déterminent la conduite de ceux qu’elle porte. Lorsqu’un historien, par exemple, commençant son récit par une description du théâtre des événements, signale, avec Curtius, l’influence de la montagne sur le caractère conservateur de Sparte, ou l’influence de la mer sur le caractère démocratique d’Athènes, il fait appel, inconsciemment ou consciemment, à des propositions générales, celles-là mêmes qui définissent les effets matériels ou moraux que telle forme terrestre doit, toutes choses égales d’ailleurs, exercer partout où elle se rencontre.

Ces exemples suffisent à le prouver : l’historien, lorsqu’il explique véritablement un fait, remonte, qu’il le veuille ou non, à quelque proposition générale. En ce sens, il ne faut pas opposer, comme semblait le faire M. Seignobos, à la connaissance abstraite des rapports généraux entre les faits, l’étude explicative de la réalité : l’une suppose l’autre. Et si la vérité d’une explication historique dépend d’abord de l’exactitude des faits rapportés, elle ne dépend pas moins de la certitude des lois invoquées. Pour franchir les siècles, s’il faut à l’historien les semelles de plomb du document, il lui faut aussi l’aile de feu des idées.

Or, parmi ces formules directrices de l’histoire, il est évident qu’il s’en trouve de proprement sociologiques. Il est évident que, pour expliquer nombre de faits particuliers, les historiens sont amenés à invoquer l’ac-