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LA SOCIOLOGIE POPULAIRE ET L’HISTOIRE

tion, non pas seulement des formes corporelles ou des formes terrestres, mais des formes sociales, de celles là mêmes dont l’intuition du peuple pressentait justement la réalité et l’efficacité.

Rappelons-nous le tableau que présente Guizot du caractère féodal : l’oisiveté du seigneur dans son château, par suite, son esprit d’aventures, qui le pousse à chercher bataille sur les grand’routes, son amour des contes et des chants, qui rendent les veillées moins longues, son respect de la femme, compagne de la solitude et gardienne du foyer, son attachement aux traditions, legs des ancêtres ; tous ces traits rassemblés, de quoi l’historien les fait-il dépendre ? D’un phénomène social : « l’isolement », l’absence de rapprochement fréquent et continu entre les masses d’hommes. La notion des propriétés des sociétés clairsemées, opposées aux propriétés des sociétés denses, voilà la majeure de ce raisonnement. Et Guizot s’en rend si bien compte, qu’il éprouve le besoin d’exprimer lui-même le postulat essentiel de toute explication sociologique. « Toutes les fois qu’un homme est placé dans une certaine position, la partie de sa nature morale qui correspond à cette position se développe forcément en lui ». Ouvrons les ouvrages de Tocqueville, — principalement ce troisième volume de la Démocratie en Amérique, où il mesure analytiquement l’influence de la forme démocratique, non pas seulement sur les idées politiques, mais sur les sentiments familiaux, sur les croyances religieuses, sur les habitudes industrielles, sur les goûts littéraires eux-mêmes : nous y verrions fourmiller de la sorte les aphorismes sociologiques.

Dira-t-on que nous nous faisons la partie belle ? que