Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/130

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Peu d’hommes s’envisagent face à face. Au lieu de ,s’étudier soi-même, on médite sur Dieu ou sur Bérénice, •quelqu’un de ces gens de roman. I,a théologie nous attire.

Confronter notre état avec celui du monde, on dirait que cela déconcerte nos pensées ! Au reste rien n’est plus important. Malgré l’extrême ferveur d’amour que nous inspira la plus pure amante, Nausicaa nous touche encore bien davantage, lorsqu’à notre épouse passionnée et belle nous préférons quelqu’idyllique chimère. Instruits par une infinité de descriptions, nous reconnaîtrons à merveille l’éclatante grotte nacrée où s’abrite Calypso, mais il nous serait impossible d’indiquer la route du prochain hameau. Vous ignorez vos sentiments, vous les cherchez dans les livres de Balzac, et quoique votre âme vous soit inconnue, vous entreprenez de lire dans la mienne. Vous dissertez sur les archanges, les attributs de Dieu, les mérites des héros.

Afin de dissiper d’affreuses et pâles angoisses qui emplissent nos cœurs de détresses, chacun se détourne de soi-même et tire d’imaginaires délices des moins magnifiques turbulences. Mais regardons un peu, ici, dans la maison. Heureux celui que contente son destin ! — Au sujet des thyms, des violettes, du rude gain et du pain béni, de la béatitude d’Ormonde, des alanguissements de Clarisse, de leurs réciproques stratagèmes, il demeure beau et légitime d’entreprendre une expédition, et de discourir sans espoir. Voilà le terrain brûlant. Cette pastorale habitation, pompeuse, brillante des teintes vivaces du pré, et le gai dénouement des idylles que nous liâmes, rien ne touche autant nos scrupules.